Il y a quelques jours, lors d’un dîner entre amis, on m'a demandé si j'avais déjà travaillé avec des sportifs professionnels. J'ai répondu que non, et que je n'en avais jamais eu envie.
Mes amis ont été étonnés par mon choix.
Entraînement des sportifs professionnels par rapport aux athlètes de la population générale
J’ai plutôt expliqué que 100% de ma clientèle était composée de clients de la population générale.
Vous savez, les gens « normaux ».
Dans ma carrière de coach sportif, j’ai rapidement réalisé que je préférais les entraîner plutôt que les sportifs professionnels.
En voyant leurs regards blêmes et n'entendant même plus le son d'une fourchette, j'ai compris qu'ils se disaient que j'avais raté ma carrière. Je ne sais pas ce qu'ils imaginaient en termes de carrière, mais l'image qui m'est apparue à ce moment est celle du coach de football américain
incarné par Al Pacino dans Any Given Sunday.
Après 5 secondes de vide intersidéral, ils ont retrouvé la parole:
« Donc, tu dis que tu ne veux pas travailler avec la crème des sportifs, et que tu veux préfères voir madame Michu courir à 8 km/h en te parlant de son week-end avec sa cousine!
Mais pourquoi? »
Voici ce que j’ai dit
Avant toute chose, parlons de l'image qu'ont les gens des coachs sportifs.
Je pense que le credo dominant dans l’industrie du coaching sportif est qu’une fois que vous arrivez au point où vous travaillez avec des athlètes (professionnels) ou des célébrités, vous avez en quelque sorte « réussi ».
Vous êtes une élite.
Vous pouvez maintenant écrire vos mémoires.
Petite parenthèse : J’ai aussi l’impression que les gens de l’industrie ont tendance à accorder plus de crédibilité à certaines certifications qu’à d’autres. Par exemple, si quelqu’un est un CrossFit Level 3 (vous savez, le sport où on enchaîne des dizaines de répétitions de jetés de barres et de marche sur les mains), il est évidemment plus intelligent et plus qualifié qu’un Zumba (un mélange de danse et de renforcement). Et il peut probablement marcher sur l’eau.
Les certifications sont formidables (et nécessaires dans une certaine mesure), mais je suis plutôt partisan de ne pas mettre trop de poids sur les lettres à côté du nom de quelqu’un, et plus encore sur leur expérience et leurs antécédents globaux.
En même temps je comprends : l’entraînement de Steph du service comptabilité n'a pas autant de prestige que Killian Mbappé ou Jason Statham.
Cependant, pour citer un confrère :
"Nous formons tous des gens. Qu’ils soient payés ou non pour pratiquer un sport ne change pas leur « humanité » et n’a aucune incidence sur notre statut d’entraîneur d’élite. Soit vous savez ce que vous faites, soit vous ne le savez pas. Et c'est pareil pour les deux types de clients."
L'entraînement des athlètes et des acteurs professionnels a ses avantages et ses inconvénients, tout comme l'entraînement des clients de la population générale.
J’ai eu la chance de travailler avec des gens extraordinaires, issus de la population générale. Pourquoi extraordinaires? Parce que contrairement aux sportifs de haut niveau, ils n'aiment pas particulièrement le sport. Ils en font parce que ça leur fait du bien et qu'ils pensent à leur
santé, mais je peux vous dire qu'ils préfèreraient mille fois être au restaurant en train d'ouvrir leur deuxième bouteille de vin, ou même regarder La Reine des Neiges pour la 20ème fois avec leurs enfants.
Et quand je les vois se démener pour arracher leurs répétitions ou enfin réussir à faire un nouvel exercice, j'en ai parfois les larmes aux yeux. Littéralement.
Quoi qu’il en soit, loin de moi l’idée de vous dire quelle est la meilleure solution ou la plus gratifiante.
Je ne peux que parler pour moi.
Satisfaction
Personnellement, j'aime bien le sport, mais je ne suis pas non plus un fanatique. Ce qui m'excite dans le sport, c'est le dépassement de soi, en termes de niveau relatif. Je suis beaucoup plus satisfait de moi lorsque j'arrive à faire une bonne séance après une mauvaise
nuit, que lorsque j'arrive à battre mon partenaire d'entraînement d'une seconde sur un sprint.
Et c'est pareil avec mes athlètes. Je ressens une immense joie lorsque une femme (qui se définit comme "pas forte des bras") arrive à faire 5 pompes parfaites. Elle en ferait rougir de honte la plupart des hommes que je vois dans les parcs faire des demi-pompes avec les fesses en pyramide.
C'est quand même plus gratifiant que de voir un professionnel passer sa charge maximale au back squat de 155 à 160 kilos.
D'un point de vue strictement business
Soyons vraiment honnêtes. Si de jeunes coachs sportifs me lisent :
Il y a plus de clients dans le monde "normal" que de sportifs professionnels. Il y a une probabilité mathématique inévitable que, malgré l’importance de vos formations et de votre
réputation, vous n'ayez principalement en clients que des personnes qui se sentent essoufflées après 5 burpees.
Un sportif professionnel achète de la performance. Si votre méthode ne lui apporte pas de résultats précis, il changera rapidement d'entraîneur. Un athlète normal achète une relation. Quoi que vous lui fassiez faire, il sera heureux de faire du sport avec vous si l'ambiance est bonne. Parce que sans vous, il ne ferait pas de sport.
Il faut y penser.
Et voilà
J’espère que cette petite diatribe trouvera un écho auprès de ceux qui se pensent moins qualifiés parce qu’ils ne travaillent pas avec des professionnels, des mannequins, des acteurs ou des clowns.